Alpinisme en Gordolasque – Voie Ellena en face Sud-Ouest de la Malédie (D, 5b, 200m) + Traversée Malédie-Borello-Chafrion-Gélas (PD)

Sur une proposition de Jérémy, très fin connaisseur des lieux, nous avons consacré ce dimanche 1er octobre 2023 à une magnifique journée d’alpinisme en plein cœur du massif du Mercantour, dans l’immense vallée de la Gordolasque. Notre ambition était de parcourir la directi’cime Ellena en face Sud-Ouest de la Malédie (3059m) puis d’enchaîner sur la traversée Malédie, Borello (2985m), Chafrion (3073m), Balcon (3085m), Gélas (3143m). Un total de cinq sommets, en sus gravis par des itinéraires fabuleux, qui a pour un temps très court heureusement comblé nos aspirations d’alpinistes.

La belle Malédie vue depuis l’arête Est de Chafrion, avec sa raide face Sud-Ouest ensoleillée que nous venons de gravir, et son austère voie normale ombragée que nous venons de désescalader :

Un départ matutinal du pont du Countet (1682m) nous fait croiser le refuge de Nice et le lac de la Fous à la naissance de l’aube :

Le jour se lève alors que nous gravissons le fastidieux verrou du lac Long :

A son débouché, quel enchantement !

  1. Notre premier objectif qui se reflète dans les eaux encore sombres du lac Long nous tend les bras :
  2. Un vieux monsieur, doyen du massif et indéboulonnable gardien des lieux, nous fait l’honneur de son accueil ataraxique :
  3. Un ciel qui s’embrase pour encore mieux ciseler les arêtes pourtant déjà intensément tailladées du Grand Capelet (2935m) :

A l’approche de la face Sud-Ouest de la Malédie, la directissime Ellena laisse deviner son cheminement. Notre trépignation devient difficilement maîtrisable :

 

Sur la photo suivante, Jérémy arrive aux termes de la première longueur. La première partie de celle-ci, non visible sur la photo, correspond à un mur raide et assez compact en 5b. Celui-ci requiert une application appuyée pour être solidement protégé :

La suite vue de R1 présage une belle escalade redressée en excellent rocher. A droite de la photo, la fissure en « S » caractéristique :

Vue du haut aussi, cette deuxième longueur se révèle être loin de la plus vilaine qu’il nous ait été donné de grimper ! Le rocher reste excellent :

 

 

La troisième longueur nous est apparue comme la plus admirable de l’itinéraire de par la qualité du support qu’elle nous offre, mais aussi et surtout de par l’audace dont les premiers ascensionnistes ont dû s’armer. En effet, vues du bas, et par chance uniquement de ce point de vue-là, vous constaterez que les dalles blanches de la première moitié de la longueur ne transpirent franchement pas la réplétion de prises, et encore moins pléthore de protections.

Du temps où la Malédie était encore entièrement piémontaise, en ce 20 août 1946, un an tout juste après six années de guerre terrible, la brassée de culot dont Bianco, Buscaglione et Ellena ont fait preuve était inversement proportionnelle à leur dépouillement matériel. Les trois gaillards n’étaient probablement équipés que d’une maigre grappe de pitons, d’une corde en chanvre directement nouée à la taille (rupture assurée passé les 1m de chute pour un poids de 80kg), et au mieux de simples espadrilles en feutre ou corde.

Voici le tracé approximatif de la troisième longueur :

Pour mémoire :

Jérémy à R2, vu depuis le début de la troisième longueur de la voie Ellena :

Plus nous prenons de la hauteur, comme ici à R3, plus la magie opère à l’aplomb du lac Long et face au peu parcouru mont Rond (2828m) :

 

La grande et aérienne cinquième longueur se caractérise par une fissure horizontale en traversée à droite (4b) permettant d’attraper le dièdre haut perché et bien visible sur la photo :

Le dièdre haut perché, la fissure horizontale et Jérémy à R4 vus depuis la grande rampe à droite de sortie, le sommet n’est plus qu’à quelques encablures en 2 :

Là-haut, le paysage donne le tournis !

Là, les illustres faces nord du Ponset (2828m) et du Neiglier (2786m), et l’enfilade de gendarmes des arêtes de la pointe André :

Ici, la suite de notre chemin avec au fond à droite le corpulent massif de l’Argentera :

Là-bas, le Bégo (2872m) et le Grand Capelet (2935m) :

De ce côté-ci la vue est moins belle mais au moins elle respire l’allégresse !

Derniers coups d’œil sur deux des géants des Alpes du Sud avec à gauche encore et toujours le massif de l’Argentera, et au fond à droite le planché océanique du mont Viso :

Puis nous revoilà repartis pour une magnifique traversée d’arêtes qui nous mènera à la cime Borello (2985m), Chafrion (3073m), du Balcon (3085m) et du Gélas (3143m). Jérémy tourne le dos à notre singulière Malédie (3059m), ici à la sortie du raide ressaut permettant d’accéder à la cime Borello et offrant quelques beaux pas d’escalade :

Jérémy, insatiable arpenteur du Mercantour, connaît déjà très bien cette partie de notre itinéraire. A partir de la cime Borello, c’est confiant qu’il s’empare de la direction intégrale des opérations.

Certains passages présentent un rocher d’une qualité exceptionnelle :

 

Entre deux pointements rocheux, le chemin déjà parcouru :

Véritable cordon ombilical de la cordée, il arrive que la corde doivent être manipulée avec des pincettes :

Camaïeu dégradé de bleus au second plan, derrière roche Risso (2954m) et la terrasse du Gélas (itinéraire de descente pour un retour en Gordolasque) :

Sous nos pieds côté Alpi Marittime, le lac blanc, un bout du lac bleu, et surtout un des derniers glaciers agonisants du Mercantour, le glacier du Gélas :

D’autres vestiges du même glacier mais cette fois-ci au pied côté Nord du sommet du Gélas :

A toutes fins utiles, voici le même en 1998…

… et le 30 août 1906 :

Jérémy toujours devant grimpe avec brio tous les passages aussi raides soient ils :

et aussi effilés soient ils :

 

C’est sans faute que Jérémy nous a déposés au sommet des Alpes-Maritimes, accueillis par cette iconique petite bonne femme :

Les icônes c’est bien beau, mais nous préférons les paysages… sans commentaire :

 

Avant la redescente en Gosdolasque, dernier coup d’œil depuis le sommet du Gélas sur la face Sud-Ouest de la Malédie et sa voie Bianco, Buscaglione et Ellena (Directissime 1946) :

Nous avons été très emballés avec Jérémy par cette voie Ellena à la Malédie, combinée avec la traversée Borello, Chafrion, Balcon, Gélas. Une « balade » mercantourienne que nous ne pouvons que vous conseiller !

Un grand merci et un grand bravo Jérémy pour cette fantastique journée !

Petites infos utiles pour celles et ceux qui souhaiteraient y aller :

  • Voie Ellena : approche 3h en prenant son temps, escalade 2h30 en prenant moins son temps, corde de 50m (nous avions une 40, c’est un peu juste), 1 jeu de friends BD n°0.3 à 3, 0.5 et 0.75 doublés (nous n’avions pas le 3, nous l’aurions bien mis), 4 sangles, 5 dégaines, un marteau, quelques pitons pour réduire l’exposition (nous ne les avions pas)
  • Traversée Malédie, Borello, Chafrion, Balcon, Gélas : rester sur ou très proche du fil à droite dans le raide ressaut d’accès à la cime Borello, corde de 30m, friends BD n°0.4 à 1, 3 sangles
  • Le topo de la voie Bianco, Buscaglione et Ellena – Directissime 1946 :

 

PS : Merci au guide et ami mauriennais Clément Bléteau grâce à qui la belle rencontre avec Jérémy a été rendue possible.

4 réflexions au sujet de “Alpinisme en Gordolasque – Voie Ellena en face Sud-Ouest de la Malédie (D, 5b, 200m) + Traversée Malédie-Borello-Chafrion-Gélas (PD)”

  1. Bonjour
    Bravo pour ce beau voyage. Très bien décrit et documenté. Comment êtes vous descendus de la Malédie ? (Rappels ?)
    Bien cordialement. Alain

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  2. Bonjour Alain,
    Merci pour votre commentaire. Non, pas de rappel pour descendre de la Malédie. Un peu des désescalade et un pied sûr suffisent en restant sur le bon itinéraire 🙂

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