La Biancograt du Piz Bernina

Vendredi 26 août 2022, avec le guide Jean Baptiste Maddalena, nous retrouvons Emmanuel, Benoît, Tobias et Olivier à Milan.

Déjà 5 ans que nous partageons de belles aventures là haut avec cette équipe en devenir qui, malgré des programmes toujours plus audacieux, ne cessent de nous surprendre …

Cette année, notre dévolu se jette sur une arête bien mythique, la Biancograt, qui conduit au Piz Bernina 4048 m, le « 4000 » le plus oriental de l’arc alpin. Il domine la vallée glaciale de l’Engadine dans le canton des Grisons.

Déjà envisagé l’année passée, nous avions renoncé face à une météo compliquée. Cette année les conditions semblent excellentes et la météo tout autant. Feu !

Après une courte nuit et la route jusqu’à Pontresina, nous voici au départ du Val Roseg, direction la Tschierva hut. Le coin est des plus bucoliques, une carte postale « made in Switzerland » où les canards batifolent à 2000 m d’altitude au pied des glaciers.

L’approche est relativement rapide mais c’est déjà l’occasion de bien se fumer les mollets. On voit bientôt apparaître la belle arête blanche du Pizzo Bianco, antécime enneigée du Piz Bernina. Nous sommes chanceux car la drache annoncée tardera jusqu’à notre arrivée au refuge.

La vue du refuge est puissante avec la rupture de pente du Vadret da Tschierva, plutôt chaotique, sous nos yeux. Ce glacier se traverse sur le replat lorsqu’on fait l’ascension de l’arête N (Eselgrat) du Piz Roseg 3937 m.

En ce qui nous concerne, c’est plutôt l’heure d’un briefing houblonné, avant un bon repas et une bonne nuit de sommeil.

Le lendemain, la météo est splendide, tout juste quelques nuages d’humidité qui ne tarderont pas à disparaître. Vers 6h30, nous sommes à la roture, nous passons de la glace aux rochers en direction de la Fuorcla Prievlusa (col au départ de la Biancograt).

Malgré un rocher moyen et souvent humide, quelques aménagements de type via ferrata permettent d’atteindre rapidement le col et les premiers rayons de soleil. On voit apparaître le versant Est et en toile de fond, la bien nommée Bellavista. Le temps pour nous d’un petit ravitaillement.

C’est là que l’escalade commence véritablement. Jamais extrême mais bien aérienne, elle louvoie entre le flanc Est au sec …

… et le flanc Ouest encore plâtré des précipitations récentes. Cela donne un petit côté Dr. Jekyll et Mr. Hyde à ce début de course.

On surplombe à présent la langue supérieure du Vadret da Tschierva que nous avons parcouru lors de l’approche.

Ben et Tobias sont maintenant bien efficaces dans ce terrain. De temps en temps, un petit point méthode permet de débloquer une situation.

45 minutes plus tard, nous avons le visuel sur la partie neigeuse de la course et qui en fait sa renommée. Une splendide arête d’environ 1 km de long pour 400 m de dénivelé entre 3500 et 4000, « himmelsleiter », un chemin vers le paradis disent les suisses.

Encore quelques rochers et nous prenons pied dessus. Au niveau du passage du dernier gendarme avant la neige, il est possible de le contourner versant Est. Après tentative, c’était ce jour bien expo avec la glace affleurante. Nous lui avons préféré le rocher, cela passe beaucoup mieux.

Le parcours de l’arête est génial. Avec les chutes récentes, nous avons eu la chance de faire notre propre trace.

Chance car cela confère au parcours un caractère bien sauvage. Bien sûr le corollaire est un petit effort supplémentaire mais c’est le prix à payer.

La glace n’est parfois pas très loin et on est content de brocher et tirer quelques « vraies » longueurs.

C’est fatigué mais heureux que nous arrivons au Pizzo Bianco 3993 m. Le sommet du Piz Bernina n’est que 55 m au dessus de nous mais il reste encore une partie mixte délicate à négocier. Les nuages commencent à bourgeonner, le lieu est plein d’énergie, c’est assez prenant (lorsqu’on sait qu’il n’y aura pas de surdéveloppements).

On en profite pour faire un bon break avant de nous lancer dans la partie finale. L’ambiance est saisissante et avec la neige, on prend le temps de bien faire les choses. L’équipement en place (pitons et quelques relais modernes) est encore accessible et permet de progresser sereinement.

Nous n’étions pas venu pour ça mais on finit par faire de la goulotte fin août, c’est parfait ! Derrière, sur le Pizzo Bianco, on voit apparaître la cordée qui nous suit depuis le refuge. Pas grand monde dans le secteur ce wend, c’est remarquable sur cette course très attractive.

Après ces quelques émotions, nous voici au sommet. Il est 14h.

La vue est magnifique sur le bassin glaciaire de la chaine Palu / Zupo. Nous le traverserons demain pour retrouver la vallée ! On devine déjà quelques passages bien sensationnels.

Le temps d’un petit cliché d’équipe où la largeur des bananes est proportionnelle au puisement des ressources.

Et il est temps de rejoindre notre gîte pour la nuit, le refuge Marco e Rosa 3597 m. La descente n’est pas très longue mais il faut encore être présent mentalement et physiquement.

L’arrivée au refuge après quelques 12h à crapahuter à 4000 m est salutaire. Mais l’on reste digne !

Le site et les lumières du jour sont bien sympathiques. Dommage que le service du refuge ne soit pas à la hauteur (#euphemisme).

Qu’à cela ne tienne, les organismes sont bien atteints et cela fera l’affaire pour une nuit. Le lendemain, nous attaquons à la fraîche pour traverser le Vadret da Morteratsch et rejoindre la Fortezza, cette petite crête rocheuse qui permet de descendre vers le téléphérique de Diavolezza. Ca caille sec et on essaie de se mettre dans un petit rythme pour monter en température.

A mi chemin, le parcours est un peu chaotique mais ça tient encore ! C’est surtout maintenant que tous ces kilos perdus, dans le labeur de dures séances d’entrainement, prennent tout leur sens.

Les ponts ont tenus … et on profite de ces derniers instants suspendus, la station de Diavolezza est maintenant en visuel !

Arrivée à la Fortezza, changement d’ambiance, on retrouve le soleil et le rocher ! La Biancograt, le Pizzo Bianco et le Piz Bernina en toile de fond.

Mais ce n’est pas fini ! Cette descente est une véritable course en soit. Chaque gendarme franchi en dévoile un nouveau mais le moral de notre équipe reste au climax, guronsé par l’adrénaline rémanente.

Nous atteignons enfin le Vadret Pers, encore un glacier qu’il nous faut traverser pour remonter la moraine jusqu’à Diavolezza. Comme un zoom dans une fractale, les échelles de distances dans ce finish paraissent se déployer au fur et à mesure que nous avançons.

C’est bien labyrinthique mais les crevasses ne sont pas profondes dans cette zone plane où le glacier se recomprime. Pas comme dans la voie normale du Piz Palu (à gauche ci-dessous) qui ne fait pas rêver.

Après multiples tergiversations nous tombons sur la faille et le moral revient ! Nous voici bientôt sur la moraine.

Un petit coup d’œil en arrière lors de sa remontée, et l’on peut observer tout le chemin parcouru avec une certaine émotion.

Merci la montagne de nous offrir autant de moments forts et bravo à notre vaillante équipe, toujours plus affûtée !

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