Début septembre, la météo nous pousse à revoir nos plans. Avec Marc, nous choisissons donc de rendre visite aux montagnes de l’Oisans plutôt qu’à celles des Brenta. Nous commençons notre petite virée par l’ascension d’une des flèches les plus parfaites des Alpes, l’aiguille Dibona (3131m):

Pour nous hisser au sommet de cette fameuse Dibona, nous grimpons la directe Sud, ou voie Madier. Ouverte le 1er septembre 1937 par Andéol Madier et Maurice Fourastier en 4h15 (difficile de faire mieux encore de nos jours), cette voie fait partie des monuments de l’Oisans. Voici son tracé approximatif vu du refuge du Soreiller :

Cette voie de part son intérêt historique, et ce sommet de part sa sculpture si reconnaissable, demeurent incontournables dans une carrière d’alpiniste aussi modeste soit elle.
La voie commence, dans sa deuxième longueur, par une curiosité peu commune dans un environnement granitique. Le passage se faufile à l’intérieur d’un sombre boyau :


Marc sort de ce passage marquant :

Sur cette photo, on constatera trois choses : 1- Difficile de faire plus court en terme de marche d’approche, la concurrence avec le Corno Stella est rude. Le refuge du Soreiller n’est qu’à… 3 minutes du départ de la voie. 2- Difficile de faire meilleur granit. 3- Difficile d’être plus heureux et plus en phase avec son milieu que Marc à cet endroit là et à cet instant ci.

Malgré les fortes pluies de la veille, le rocher reste sec même au niveau de ses coulures noires. On ne va pas s’en plaindre car dans la première partie de la Madier, l’escalade est essentiellement sur les pieds et les cotations y sont elles aussi plutôt sèches.

Le vide se creuse à mi paroi, notamment lorsque dans L5 nous quittons par la droite l’immense dièdre central :

La sortie de ce dièdre gigantesque demande de franchir un passage légèrement surplombant. Heureusement, les prises sont franches :

Même le mou pédagogique n’a plus aucun effet sur le mental de Marc qui se meut comme un poisson dans l’eau :

Nous voilà a présent aux prises avec la plus importante difficulté du jour : la terrible fissure Madier de la 8ième longueur.

Sauf erreur, fût un temps où sa cotation de dépassait pas le Vsup… Aujourd’hui, elle a été généreusement réévaluée à 6a, notamment après la disparition à tire-d’aile d’un bloc coincé. C’est peu de dire que ce 6a ne laisse pas indifférent. Cette longueur marquante est magnifique :

Sur cette photo, le grimpeur se rétablit sur une protubérance granitique qui porte un nom qui résonne particulièrement à l’oreille des alpinistes niçois que nous sommes : la tête de chien.

Nous sommes suivis de prêt par une très sympathique cordée qui a fait le déplacement depuis la terre des Angles. L’intérêt de cette voie Madier à l’aiguille Dibona dépasse les frontières :

Après l’escalade des cannelures Stofer, l’escalade devient plus simple. La fin de l’ascension se déroule même sur une arête :

Et voilà le sommet de l’aiguille Dibona, presque aussi pointu que ce à quoi on pouvait s’attendre :

La descente s’effectue le long de l’arête Nord, par la voie normale de l’aiguille Dibona. Entre désescalade et rappels, entre les deux nos cœurs ne balancent pas tant :

Vu du bas, ça fait moins peur :

Quitte à casser un peu le mythe, mais il faut bien avouer que depuis le Nord l’aiguille Dibona a moins fière allure :

Après un contournement pédestre par l’Ouest, nous voilà de retour au refuge de Soreiller, au pied de la face Sud de l’aiguille Dibona :

Après y avoir rassemblé nos affaires et refait nos sacs, nous descendons sur le hameau des étages dans un cadre magnifique (le vallon d’Amont), et sous l’œil d’une des plus belles aiguilles de l’Alpe désormais « nôtre » :

Dans notre dos trois choses : 1- L’aiguille Dibona, vous commencez à bien la connaître… 2- L’aiguille orientale du Soreiller (3380m) dans les nuages. 3- Un parapluie qui nous fût bien utile la veille, lors de notre montée sous l’orage au refuge du Soreiller par le vallon d’En Bas.

Face à nous, les nuages se déchirent et laissent entrevoir le cirque du vallon des Etages avec de gauche à droite : la grande aiguille de la Bérarde (3419m), la cime de Clot Châtel (3563m), la pointe du vallon des Etages (3564m, dans la grande diagonale que l’on aperçoit dans sa face nord passe la voie Fourastier-Laloue-Le Breton, un bel itinéraire mixte), la tête de l’Etret (3559m) et la tête des Fétoules (3459m).

Pour nous, le chemin est encore bien long (heureusement qu’il est beau !). Dès que dans l’après-midi nous aurons rejoint le fond de la vallée du Vénéon, nous remonterons en face pour bivouaquer au lac des Fétoules. L’idée est de gravir la nouvelle voie ouverte cet été (5 août 2025) par Annabel Perruchon, Fanny Pagnier, Vivienne Langen et Stéphane Benoist à droite de la célèbre arête ouest de la tête des Fétoules, « les fées s’entêtent« .
La voie Madier à l’aiguille Dibona vaut vraiment le détour. Nous ne pouvons que vous la conseiller. Vous grimperez au sommet d’une aiguille parfaite, sur un granit doré tout en rondeurs, et dans l’Histoire de l’alpinisme en Oisans.
Bravo Marc pour cette escalade rondement menée 😉