Apprentissage théorique pour la pose correcte
de protections en rocher, dans des fissures et trous.
Pitons, coinceurs, friends (coinceurs à cames)
Introduction :
Pour l’Homme, fixer des ancrages dans la roche remonte à la nuit des temps ! Bien que soumis comme tout le monde à la gravité, les alpinistes ont mis du temps à faire évoluer le matériel !
On peut imaginer qu’en s’attaquant à des parois et des arêtes de plus en plus abruptes ils ont fini par vouloir s’accrocher de mieux en mieux !
Mais on peut également prendre le problème dans l’autre sens ! C’est peut-être l’évolution des techniques industrielles qui a permis l’évolution du matériel d’alpinisme ?
Toujours cette question récurrente : est-ce la poule qui fait l’œuf ou l’œuf qui fait la poule ?
Les premiers pitons font leur apparition au début du XXème siècle.
Les français, souvent particulièrement à la traine en matière d’évolution du matériel, utiliseront les pitons avec un peu de retard.
En 1932, Pierre Chevalier, découvre des pitons dans un refuge Italien. Son étonnement et sa curiosité sont tels qu’il en ramène des clichés pour ses camarades !
Rapidement les alpinistes prennent goût aux pitons, un des grands alpinistes des années 50 Georges Livanos dit « le Grec » plantera 25000 pitons dans sa carrière !
On retiendra sa célèbre citation : « mieux vaut un piton de plus, qu’un homme de moins…surtout si cet homme c’est moi !! »
A la fin des années 90, alors que les coinceurs et friends ont fait leur apparition depuis plusieurs décennies, l’utilisation des pitons n’est pas encore complètement marginalisée.
D’ailleurs Christophe Moulin dira : « mieux vaut un piton qui chante qu’une femme qui pleure » !
En effet, nous verrons pourquoi, dans certains cas les pitons restent indispensables !
Les pitons :
Le plus délicat est de trouver la taille de piton adaptée à la fissure, souvent l’idéal c’est que le piton rentre naturellement de la moitié ou des 2/3.
Ensuite la technique n’est pas très subtile : le taper, plus ou moins fort, et si possible profondément.
Même si l’emplacement a permis de bien enfoncer le piton, ce qui fait également sa résistance, c’est la qualité du rocher.
On comprendra aisément que les écailles, roches friables et autres blocs instables atténuent considérablement la solidité du piton.
Si votre piton n’est pas enfoncé complètement jusqu’à l’œil, vous pouvez le « cravater », ce qui signifie réduire le bras de levier, avec une cordelette ou une sangle.
S’il est trop enfoncé la cordelette sera nécessaire pour se servir de l’œil devenu non-mousquetonnable.
Si le trou ou la fissure sont trop large pour les modèles de pitons que vous avez sous la main, vous pouvez coupler les pitons, c’est-à-dire les mettre les uns sur les autres.
L’idée est de remplir l’espace manquant par un objet qui résiste bien à la compression, métal, bois, rocher.
Agressive Testing :
Pour tester un piton, un coinceur ou un friend ou toute autre protection de résistance aléatoire et délicate à évaluer, la méthode de l’agressive testing est intéressante.
Cette technique consiste à se vacher sur le point à tester, puis dans des limites raisonnables, notamment de ne pas se blesser le dos, de le solliciter violemment par des à-coups avec tout le poids de son corps.
Evidemment il faut absolument être contre-assuré, avec du mou pour ne pas fausser le test, mais par des points inarrachables.
Exemple : dans les rappels en montagne, on a parfois des doutes sur la résistance des ancrages sur lesquels on descend !!
Cette technique permet de tester alternativement les points puis d’imaginer plus sereinement que réunis par une triangulation pour travailler efficacement ensemble… la catastrophe tant redoutée ne se produira pas !
Remarques :
Sans parler des pitons extrêmes spécifiques à l’escalade artificielle, il existe plusieurs tailles de pitons.
Des plus fins aux plus larges : les extra-plats et les lames (knife-blade), les universels (lost-arrow), et les cornières (angles).
Les mini-bongs et bongs étant le plus souvent remplacés par les friends.
Dans le calcaire et les roches tendres, les pitons en acier blancs se déforment mieux ce qui peut améliorer leur tenue et ce qui abîme un peu moins le rocher.
Les pitons au bout pointu, débouchent plus facilement les corps qui obstruent le trou ou la fissure : racines, terre, neige, glace……
Pitons en place :
Il est souvent utile de retaper les pitons car avec le temps (gel/dégel, microséismes……..) ils ont tendance à sortir tout seul ! 2 remarques : si la fissure est bouchée ou l’emplacement mal choisi par les prédécesseurs les pitons auront beau être tapés et retapés à l’infini ils ne tiendront pas mieux !!
Attention les pitons en place peuvent être oxydés et donc très fragiles !
Récupérer un piton :
Taper alternativement sur les côtés pour le faire bouger latéralement puis utiliser une « chaîne à dépitonner » (plus efficace que le câble) fixée sur 2 mousquetons « sacrifiés » à cet effet.
A défaut une sangle également sacrifiée à cet usage s’avère d’une bonne efficacité.
Les coinceurs :
Un Acorn, rare tout premier coinceur, fabriqué par le Britannique John Brailsford et commercialisé en 1961 :
Image 1
De nos jours les 2 types de coinceurs les plus usités sont les bicoins ou nuts, et les coinceurs hexagonaux ou excentrics.
Les coinceurs ne sont pas fait pour être placés dans des fissures parallèles, encore moins dans des fissures évasées vers le bas!
Ils se placent dans le sens de la largeur ou de l’épaisseur, parfois dans des trous mais de préférence dans des fissures qui se ferment vers le bas.
Phénomène parasite :
Une fois que vous avez mousquetonné la corde dans la dégaine, ou à défaut un mousqueton, et que vous passez devant votre coinceur, la corde, par adhérence sur le mousqueton ne va pas seulement glisser dans le mousqueton mais également entrainer le mousqueton et/ou la dégaine qui va monter avec le grimpeur en décrivant un arc de cercle.
Si votre coinceur n’est pas bien coincé : il saute !
(image 8 et 9)
Solutions pour contrer ce phénomène parasite :
– Tirez d’un coup sec sur le mousqueton ou la dégaine. Il vous faudra systématiquement emporter un décroche-coinceurs car souvent le câble n’est pas assez rigide pour décoincer le coinceur.
Avec une dégaine vous pouvez faire comme avec une « chaîne à dépitonner ».
– Rallonger, cela atténue ce problème. En effet plus l’angle créé par le mousqueton de la protection est ouvert moins il y a d’adhérence entre la corde et le mousqueton.
– Une fois légèrement au-dessus du coinceur vérifier qu’il n’ait pas bougé !
Lorsque les pieds sont passés au-dessus du coinceur, si l’itinéraire monte droit, le coinceur ne devrait plus sortir seul.
Remarques : souvent les fissures se rouvrent à l’intérieur. Il faut faire attention que le coinceur soit bien coincé à l’emplacement choisi, en ayant un minimum réfléchi au sens de la traction !
– dans les trous les excentrics fonctionnent mieux car une fois tournés ils obstruent mieux le trou.
– un petit coup de marteau ou de piolet sur le coinceur, permet de mieux le verrouiller dans son logement.
Les Friends (coinceurs mécaniques ou coinceurs à cames) :
On peut les considérer comme la grande révolution en matière de protection dans le rocher, et donc, d’évolution de nos pratiques !
On la doit à Ray Jardine qui inventa les friends aux Etats-Unis au début des années 70.
Prototype de Friend de Ray Jardine 1973/1974 :
Image 2
En 1977, Mark Vallance du Royaume-Uni, est le visionnaire (le mot est de Ray Jardine) grâce à qui les friends ont été fabriqués et commercialisés sous la marque Wild Country.
Le friend est composé de 3 ou 4 cames, d’une tige, un ou 2 axes, d’une gâchette et de 2 câblettes pour le fermer.
La forme de la came est basée sur la spirale logarithmique étudiée par Descartes.
C’est cette forme qui permet d’exploiter au mieux le frottement métal/rocher et qui donc nous autorise à utiliser les friends dans des fissures parallèles, qu’elles soient verticales ou horizontales.
Ces caractéristiques mécaniques plus complexe